Moi, Valentin Damon, 27 ans, étalonneur….
Si vous ne savez pas ce qu’est le métier d’étalonneur en voici la définition la plus simple. “Un étalonneur rétablit les équilibres colorimétriques et sensitométriques d’un film (cinéma, fiction TV, bandes annonces, documentaires etc.), en travaillant sur l’ensemble des séquences d’un film et sur l’équilibre des plans à l’intérieur d’une séquence” (CPNEF Audiovisuel). En d’autres termes, il a pour mission de restituer ce que le réalisateur et le directeur de la photographie ont rêvé et filmé en termes de colorimétrie et de densité lumineuse afin de donner un côté homogène au film et qu’il n’y ait pas de différence entre les plans.
Aujourd’hui Balsamiq vous présente Valentin Damon, étalonneur numérique de 27 ans avec qui nous avons l’honneur et la joie de travailler sur nos projets créatifs et corporate.
Comment as-tu connu ce métier, il est rarement présent dans les fiches d’orientation du lycée ?
“A la base je viens du montage et la post production, j’ai commencé à en faire quand j’étais adolescent. Durant mes études supérieures je me suis désintéressé du montage pour l’image et je me suis formé au métier de chef opérateur et d’assistant caméra. C’est durant ces études que j’ai découvert l’étalonnage, et j’étais d’ailleurs très mauvais à l’époque. Je me suis malgré tout amélioré, jusqu’à en faire finalement mon métier. L’avantage de l’étalonnage est qu’il est une fusion entre la post-production et l’image. Je reviens à mes racines, tout en ayant évolué avec mes nouveaux acquis.“
Ta première étalo c’était à quel âge et pour quel projet ? Quelle leçon tu tires d’elle aujourd’hui s’il y en a une ?
“J’ai eu des balbutiements sur mes premiers montages d’adolescents. Je remarquais déjà qu’en changeant les teintes de l’image je pouvais créer des lightmotif et des émotions très différentes pour le même plan. Le premier vrai étalonnage que j’ai eu à faire en semi professionnel était un court métrage d’une 20aine de minutes nommé Prune (si je me souviens bien). Je devais avoir 20 ans, j’étais en 2e ou 3e année d’ESRA. J’y ai fait plusieurs rencontres intéressantes dont le chef opérateur du projet avec qui je travaille encore aujourd’hui. L’étalonnage nous avait pris plusieurs jours voir semaine, alors qu’aujourd’hui je ferais sans doute beaucoup mieux en seulement 2/3 j maximum. Mais avec ce projet j’ai pu mettre le pied à l’étrier et le chef opérateur m’a amené beaucoup de travail derrière qui m’a permis de me développer, de m’améliorer et de gagner ma vie.”
Quelles ont été les étapes, dans les grandes lignes, de ton parcours pour en arriver où tu en es aujourd’hui ?
“J’ai commencé l’audiovisuelle en faisant du montage quand j’avais 13 ans. Je faisais des amv (anime music vidéo), c’est-à-dire des vidéos rythmant des plans d’animés japonais sur de la musique. J’ai découvert lors d’un forum des métiers que je pouvais faire de cette passion un métier via le métier de monteur. J’ai fait l’option cinéma dans mon lycée et je me suis donc perfectionner dans le montage jusqu’à mes études supérieures à l’ESRA Paris. Je suis sorti de l’école comme chef opérateur / assistant caméra. J’ai fait quelques tournages dans des équipes images mais je n’arrivais pas à me faire une place pérenne dans le milieu. Je faisais de l’étalonnage depuis ma 2e année d’ESRA, plus pour m’amuser et sur mes projets personnels. J’ai décidé de tenter ma chance en faisant un stage dans une boite de production, Les Machineurs, que m’avait conseillé une connaissance qui était lui-même étalonneur et qui est aujourd’hui l’un des plus connus de Paris. Une fois mon stage terminé, j’ai investi dans une petite station d’étalonnage et j’ai démarché sur divers sites de production audiovisuelle. J’ai fait du bénévolat pendant 6 mois avant d’avoir ma première bande démo et de pouvoir montrer des images à mes futurs clients. A partir de là j’ai commencé à gagner ma vie car ce n’était pas le cas jusqu’à présent.
En 2018, j’ai été invité au festival Kino kabaret de trouville pour étalonner les films produits sur place. J’y ai rencontré énormément de personnes ; certains sont devenus des clients et/ou des amis. Via ces contacts mon activité a commencé à prendre plus d’ampleur. J’ai enchaîné des clips pour de gros artistes musicaux, ces images m’ont ensuite permis de me vendre sur des publicités intéressantes et sur d’autres projets plus gros auxquels je n’avais pas accès auparavant.”
Quelles sont tes influences ?
“On s’influence entre étalonneurs via instagram et les réseaux. Depuis peu j’ai appris à fuir un peu cette course aux plus belles images, mais je reste très influencé par des étalonneurs français comme Arthur Paux ou Florian Martiny. Niveau cinéaste j’adore Zack snyder (300, Justice League) et Nicolas Winding Refn (Drive, The Neon Demon); mais je pense qu’ils sont les références de beaucoup haha. Il y a également des films comme Joker ou Lalaland qui m’ont beaucoup marqué. J’adorerais travailler sur un projet de Snyder, Winding refn ou Chazelle (Whiplash, Lalaland). J’ai eu la chance de travailler pour de très gros artistes ; donc je dirais que dans une certaines mesure j’ai rempli mes objectifs en clip. Il me reste encore quelques artistes que je n’ai pas pu avoir sur mes écrans et que j’adorerais comme Nekfeu, PNL ou Damso. L’idéal serait aussi un super film d’un super réalisateur avec une superbe photographie qui sera récompensé avec des oscars haha. Rêvons un peu.”
Comment est-ce que tu décris ton style ?
“Lumineux et coloré, pas mal de peps. On s’en amuse pas mal avec un autre étalonneur car lui est dans le style opposé. J’ai un bleu que j’apprécie particulièrement et que j’ai tendance à utiliser dès que possible. Il est un peu cyanté sans pour autant tomber dans le vert. Malgré tout, j’apprends à me diversifier ; j’ai découvert depuis peu les rendus pellicules un peu sales et j’adore le caractère que ça apporte à l’image.”
Avec quels artistes travailles-tu ? Quel a été ton projet préféré ?
“En urbain les plus connus sont Jul (et ses collectifs bande organisée/classico organisé), Ninho, Niska, PLK, l’artiste, Kaaris, Mister V, Heuss l’enfoiré, Bosh, Naps etc. En pop Bilal Hassani, Rone, Kids united, Tryo, BBbrune etc.
Mon projet préféré n’est pas un clip mais le long métrage Hors du monde de Marc Fouchard qui est sorti le 19 janvier 2022. Malgré les semaines de travail éprouvantes, je suis très satisfait du rendu de l’image et des ambiances que l’on a pu créer.
En clip je pense que mon préféré est Rimk feat PLK – Cosmo car j’adore les artistes et ça a été très cool de bosser dessus et de proposer des choses. J’aime aussi beaucoup Double L de Larry et Leto car pour la première fois j’ai pu tester un look pellicule et je suis super fier du résultat.”
Si tu n’étais pas étalonneur, que ferais-tu ? Toujours dans le domaine de l’audiovisuel ou complètement autre chose ?
“Excellente question. Je ne vois pas d’autres métiers où j’aurais ce sentiment de liberté tout en pouvant être créatif. J’ai toujours la passion et le plaisir quand je travaille, ce qui n’est pas à la portée de tous. Je pense que je serais soit joueurs professionnel en e-sport (car je suis passionné de jeux vidéo) soit éleveur de chat haha”
Sur quels projets bosses-tu en ce moment ?
“Je fais beaucoup de publicité. Je viens de terminer une campagne pour Givenchy et je suis actuellement sur une campagne pour un bijoutier. Mais je n’ai pas le droit d’en dire plus haha”
Qu’est-ce que tu pourrais offrir comme conseil à un étalonneur en herbe ?
“D’aller se former dans des labos de postproduction, de rester humble au début et d’être prêt à en baver un peu. De connaître le reste de l’audiovisuel, en particulier les caméras, la lumière et tout ce qui touche aux images numériques. Commencer par le clip et le court-métrage, même en bénévolat. Il faut se faire son réseau petit à petit car les gros projets ne tombent pas du ciel sans raison. Personne ne vous attend, à vous de vous faire une place.”
L’interview de Valentin vous a plu ? N’hésitez pas à aller jeter un œil à notre article sur Wes Anderson, qui traite de la symbolique derrière la colorimétrie au cinéma ! Vous pouvez retrouver et suivre son travail sur son instagram ! 👈
Cet article a été rédigé par Aubry Bernard le 01/03/2022