Wes Anderson : le génie du rêve.

  • mars 9 2022

Né en 1969 à Houston Wesley Wales Anderson, aka Wes Anderson, a fait des études de philosophie à l’université d’Austin. C’est là qu’il rencontre Owen Wilson, son acolyte de toujours, et que commence leur belle aventure vers un cinéma américain poétique et indépendant. Dès 1996, un premier long-métrage avec les frères Owen et Luke Wilson : Bottle Rocket est vite remarqué dans les festivals. Dès Rushmore (1999) à travers le personnage de Max Fischer, surdoué exclusivement dans tout ce qui ne concerne pas les études académiques, Jason Schwartzman crée une forme nouvelle de héros, très proche de l’histoire du réalisateur – et très inspiré du travail de Preston Sturges – où la réalité des aspirations est toujours empêchée, challengée par l’immaturité, la névrose familiale ou un improbable adversaire-thématiques récurrentes explorées chez Anderson. Depuis toujours inspiré par le cinéma français avec des films comme Les quatre cent coups de François Truffaut en “film” de chevet, le réalisateur rend un hommage à la France et son charme si particulier dans son 10ème film The French Dispatch.

Wes Anderson, ce sont des sujets durs abordés de façon fantasque. La couleur lui permet de mettre en perspective un monde très onirique, reflet d’une histoire pour enfant qui n’en serait pas une. Les couleurs sont très pop, ce qui met l’accent sur un imaginaire très féérique alors que les thématiques abordées sont très sombres.

C’est un contraste que l’on retrouve dans le Darjeeling Limited avec les deux scènes de funérailles (spoiler). En Inde, les funérailles pour le jeune garçon commémore sa vie, lui rendent honneur, les gens font leur deuil mais les couleurs employées sont comme pleine de lumière et d’espoir, les trois frères sont habillés en blanc et la thématique colorimétrique tourne autour d’un nuancier blanc et doré.

Ce qui contraste particulièrement avec le retour à Londres des trois frères pour les funérailles. Les protagonistes sont en noirs et on ne voit même pas la cérémonie alors qu’il s’agit de leur propre père.

Beaucoup des personnages de Wes Anderson ont cette particularité de fermer leur émotion. C’est d’autant plus parlant lorsque l’on voit dans quel monde merveilleux et coloré ils évoluent. Cependant, si les choses doivent être en noir et blanc qu’elles le soient. C’est d’ailleurs le cas dans certaines scènes comme celle du train dans The Grand Budapest Hotel. Ce n’est pas grave de se laisser aller et de constater que les choses sont si dures qu’elles ôtent toute joie. C’est cette pudeur, cette volonté de s’enfermer dans ses émotions que Wes Anderson met en perspective avec ses couleurs pop. Il fait simplement le constat que la beauté du monde continue à s’exprimer malgré les événements terribles que l’on peut connaître. Ce qui permet de relativiser aussi sur sa condition et la place que l’on occupe dans le monde. Il est d’aillleurs intéresssant de remarquer que la colorimétrie même lorsqu’elle est en Noir et Blanc laisse entrevoir une nuance de couleur propre au personnage. Ici Mr Gustav en laisse une nuance violette dans le camaïeu de N/B.

Le monde onirique dans lequel nous transporte à chaque fois le réalisateur, met en perspective nos propres challenges quotidiens et notre propre adversité face au monde qui nous entoure, à la fois magnifique et cruel. Comme on peut le voir dans la scène de The Grand Budapest Hotel, ci-dessous:

Un mariage mis en perspective avec la couleur rose au sommet d’une montagne, un cadre magnifique mais le narrateur ne nous donne pas comme à la fin d’un conte un “et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants”. Au lieu d’un happy ending, il nous annonce plutôt que la jeune mariée succombera peu de temps après à la maladie. Voilà c’est dur, c’est raide comme descente mais on a beau être encore une fois visuellement dans un rêve, la réalité de la vie est parfois toute aussi cruelle que le monde est beau.

En termes de réalisation, la couleur joue également un rôle de mise en scène et de narration importante. Ainsi, ses personnages sont attachés à une seule couleur et tout objet de ladite couleur sera en lien avec le personnage référent.

Par exemple, Mr Gustav (The Grand Budapest Hotel) est toujours habillé de violet et tous les objets se référant à lui le sont aussi, Suzy (Moonrise Kingdom) est rose, etc …

La couleur attribuée au personnage révèle beaucoup sur sa psyché. Chas de The Royal Tenenbaums, en est un bon exemple. C’est un personnage qui a tragiquement perdu sa femme dans un crash aérien et qui transmet ses craintes à ses fils. Il est aussi traumatisé par le départ de son père lorsqu’il était enfant, il est habité par la rancœur et les moments complices dont il a été privé. C’est un trauma qu’il doit affronter en le revoyant à l’âge adulte. Dans le cinéma de Wes Anderson, tous les personnages qui portent du rouge doivent traverser un trauma pendant le film. Et dans le cas de Chaz, il porte son ensemble rouge tout au long du film car il a encore l’opportunité d’affronter son trauma et de le surmonter. Couleur qu’il laissera pour le noir lorsque l’occasion sera passée au moment du décés de son père.

En termes de cadrage, les personnages de Wes Anderson sont toujours volontairement placés au centre de leur monde, au centre du cadre, au centre de l’attention. Par moment, cela donne même l’impression que le personnage regarde le spectateur au-delà de la caméra qui le filme, comme si nous étions le reflet de ce qu’il pourrait ressentir, faisant office de miroir en quelque sorte.

Si vous êtes intéressés par l’univers de la couleur, découvrez notre interview du talentueux étalonneur Valentin Damon ! Un métier souvent méconnu mais d’une importance capitale pour mettre en perspective les émotions et intentions comme l’on vient de le voir à travers le travail de Wes Anderson. Chez Balsamiq, nous avons la chance d’être accompagnés par les meilleurs !

Cet article a été rédigé par Aubry Bernard le 09/03/2022